PÉRIGNAC : LÉGENDE D'ARKARA

Primus Tasal se rend ensuite sur Arkara informer son ami Phardate que la secte d’Alba poursuit déjà ses activités en Atlantide. Phardate est non seulement attristé d’apprendre que les Terriens auront aussi à subir des malheurs provoquées par la secte maudite, mais juge indispensable de préparer la venue de celui qui saura mettre un terme final au règne d’Alba. Seul l’enfant de la lumière possédera ce pouvoir qui lui permettra un jour d’enfermer cette vipère de malheur dans un lieu où il ne pourra nuire à personne. Mais Ba-Fon aura besoin de Mercéür s’il veut parvenir à ses fins. Pour le moment, l’enfant de la lumière demeure toujours en gestation et personne ne peut connaître le moment où il viendra au monde. En attendant, il faudra préparer le peuple à sa venue et principalement Mercéür qui, malheureusement, est dans un état d’esprit lamentable depuis que son Entité vient de retrouver la mémoire. En effet, cet Immortel qui se croit responsable de tous les maux de la Terre, se cache en s’imaginant que l’humanité serait heureuse s’il n’avait pas rendu Alba immortel. Primus Tasal secoue tristement la tête puisqu’il sait parfaitement bien que tous les dictateurs qui sèment la terreur autour d’eux n’ont pas eu à être immortels pour détruire tout sur leur passage exactement comme le divisionnaire. Il confirme à Phardate que l’âme de Mercéür est venue le défendre contre la secte et qu’elle a effectivement avoué son « crime ». Le chef des Croucounains se félicite de la présence de Primus Tasal puisqu’ils sont tous les deux invités dans la forêt enchantée par le Maître du destin. Il refuse d’en dire davantage à son ami qui l’accompagne sans poser de question.

Manuel accueille Phardate et le petit protecteur de la planète en déclarant être le seul responsable de l’état d’esprit de Perlin car il lui a fait tourner la page de la fin du monde et comble de malheur, il a fallu que les calamités apportées par Chronos salissent également le nom de son frère dans le grand livre magique. Il ajoute que son jeune frère a été rejeté en grande partie à cause de l’odeur de cette souillure invisible. Même si Mercéür a commis une erreur, Manuel n’autorise personne à juger celui-ci pour un acte découlant de son ignorance alors que lui savait tout. Phardate se dit que, décidément, le sens de la responsabilité est très développée dans cette famille où chacun se croit coupable; cela lui rappelle la réaction des Luminatisiens lors de la destruction de son peuple! Mais Mercéür se cache. Manuel et le Cœur royal comptent sur ceux qu’ils appellent gentiment leurs invités pour le sauver de lui-même! Il y aura Phardate, Primus Tasal, Midinibus, l’Entité de Barbouille, la fée Marianne, les Grands-Maîtres Lemu et Adiech pour les seconder dans ce qu’ils appellent simplement un « geste d’amour collectif » envers celui qui souffre horriblement de culpabilité. Ils savent où trouver Mercéür et Manuel demande alors à ses invités de venir rejoindre les autres qui les attendent déjà dans la «vallée des Auras. » Cette vallée est précieuse pour Perlin. Dans son enfance, lorsqu’il vivait dans la forêt enchantée, sa nourrice le conduisait souvent par la main dans cette vallée d’arbres et de fleurs, de roches, d’animaux mais surtout d’insectes dont la matière de leur corps est si subtile qu’ils possèdent une aura visible et encore plus colorée que celle des humains. Mis à part la splendeur de la forêt enchantée et le village de l’Abondance, la vallée des Auras est la troisième merveille de Féerie. C’est là que l’Entité attristée passe la majorité de son temps depuis la destruction de la cité de verre. Mais maintenant, l’âme de Mercéür est si nostalgique que les auras de la vallée palissent à vue d’œil. Manuel conduit Phardate devant le petit étang que connaît très bien Primus Tasal, soit dit en passant, où jadis Perlin s’y baignait à volonté. Le Croucounain voit la forme d’un escalier au fond de l’eau et réalise alors pourquoi lui et ses confrères n’étaient pas autorisés à s’approcher du jeune enfant. Manuel tenait simplement à retenir la curiosité des nains concernant la présence de ce passage secret entre la forêt enchantée et la vallée des Auras. Lorsque le Maître du destin étend ses mains au-dessus du bassin, les eaux se séparent et même Primus Tasal peut se permettre d’emprunter l’escalier sans risquer de mouiller sa chère planète miniature. Même si la logique voudrait que ce passage conduise quelque part dans les profondeurs de l’étang, il mène au contraire dans un pré où nos amis « émergent » du sol. N’est-ce pas l’un des privilèges d’un pays enchanté que de pouvoir défier les lois de la nature?

Aussitôt, les autres invités viennent à leur rencontre et le chef des Croucounains est vraiment ému de les revoir, tout comme le petit singe qui conserve cette fichue manie de placer ses mains derrière le dos dès qu’il se sent timide. Phardate sourit d’un air candide lorsqu’il voit le petit Barbouille. L’Entité ressemble au véritable bambin d’autrefois sauf que son visage est picoté de petites étoiles et ses cheveux pointus font penser à des glaçons transparents. Le nain reconnaît évidemment que cet enfant s’est bien mérité la place qu’il occupe à présent comme guide. Les Terriens ont pris l’habitude de les appeler simplement «anges gardiens. » Une petite boule de feu se promène autour des autres invités, et la fée Marianne dit alors à Manuel que le Cœur royal semble pressé de consoler Mercéür. De son côté, Midinibus fait rire Primus Tasal aux éclats lorsqu’il lui fait remarquer que ses « orteils sont mal lacées! » Le singe cherche en effet à se croiser les doigts pour utiliser l’expression courante sur Terre afin de souhaiter la réussite de l’entreprise. Cela fait dire à Manuel que l’humour d’un conteur est souvent le meilleur des remèdes. Au même instant, une lumière d’une pureté indéfinissable se rapproche lentement des invités et le Maître du destin fait quelques pas devant lui et se prosterne aussitôt. Ce geste est suffisant pour que tous les autres l’imitent promptement. Ils ont tous compris en même temps que la Mère Lumière se rapproche en compagnie de son époux. En effet, cette clarté sublime semble entourée d’un feu et le couple est suivi par une traînée de cristaux de différentes couleurs. Même la petite boule de feu vient se poser à quelques centimètres du sol près de son frère Manuel. Il n’y a que la bille magique du pauvre singe qui en profite pour rouler sur le dos du petit protecteur sans sa permission, toute effrontée qu’elle est de vouloir s’élever jusqu’aux puissances célestes. Primus Tasal la tape pour la première fois de sa vie pour lui rappeler la modestie. Au même instant, deux cités anciennes sur la vraie Terre sont détruites et les gens prétendent aussitôt qu’elles se sont attiré la colère des dieux. Quoi qu’il en soit, la petite planète s’empresse de redescendre de son observatoire improvisé avant l’arrivée du couple céleste.

C’est alors que le timide Mercéür semble sortir comme par enchantement de cette merveilleuse lumière et sourit d’un air gêné aux invités qui comprennent que leur intervention est maintenant inutile puisque la Mère Lumière et son Époux ont saisi le désespoir de leur fils et sont venus le libérer de sa hantise. Il semble qu’ils aient bien réussi leur intervention car une certaine paix se dégage de lui maintenant comme s’il avait réussi à entrevoir la lumière au bout du tunnel. C’est du moins l’expression de son nouveau regard : il confirme une intensité intérieure ayant triomphé de la noirceur, du combat. Il faut dire que retrouver la mémoire d’un seul coup fut cruel pour le pauvre immortel. Il a vu sa vie se dérouler rapidement et a comprit surtout les conséquences de son geste accompli par ignorance de sa nature et de son destin. Il avoue à ses amis que son âme errante traversa différentes époques terrestres pour constater l’ampleur du désastre résultant de la volonté de ce sadique qui prend plaisir à détruire dès qu’il en saisit l’occasion. Mercéür connaît maintenant la raison de son amnésie sauf que celle-ci ne l’autorisait pas à satisfaire les caprices de son père adoptif par besoin d’amour. Il ne ressent aucune amertume envers son frère qui lui fit tourner la page de la fin du monde. Il ajoute en se rapprochant lentement de son ancienne nourrice, que sa seule consolation d’avoir enfin retrouvé la mémoire fut de se rappeler ce grand bonheur qu’une jolie fée lui procura lorsqu’il a vécu dans la forêt enchantée. Puis s’agenouillant devant Marianne, celle-ci vraiment émue, verse quelques larmes de joie en lui caressant affectueusement la tête. Mercéür se relève lentement, lui embrasse les mains et les pose doucement sur ses joues mouillées. Les invités accueillent avec émotion celui qui a finalement pris la décision de devenir missionnaire sur Terre. Entre autre, Primus Tasal le remercie aussi de l’avoir libéré de la secte mais son ton dénote une inquiétude malgré tout. En effet, jamais sa bille magique ne s’était permise auparavant de rouler sans son intervention. Selon lui, le poison a créé une sorte d’envoûtement qui permet à la secte maudite de lui faire accomplir des choses qu’elle n’aurait jamais fait auparavant comme se montrer impolie devant les célestes Souverains. Ses amis se rassemblent alors autour de sa planète miniature qui se met aussitôt à trembler et à suer. Le Maître du destin étend ses mains au-dessus de celle-ci et les invités voient une coulée de bave sortir de la sphère qui réagit à son geste exactement comme une personne hystérique. Mercéür, Marianne et Primus Tasal doivent unir leurs efforts pour l’immobiliser et l’empêcher de fuir le pouvoir de Manuel. Finalement, celle-ci cesse d’être secouée de ses soubresauts et se calme. Le singe réalise avec soulagement que le poison noir est sorti de ses entrailles. Le Maître du destin lui explique alors qu’il vient de mettre un terme à l’effet négatif des aiguilles empoisonnées, sauf qu’il ne peut rien faire en ce qui concerne le venin des quelques poils de Baa-Bouk qui disparaîtront seulement le jour où la secte d’Alba cessera de nuire aux Terriens. Le singe se console en se disant que sa bille magique n’est désormais plus sous l’influence du dangereux divisionnaire. Les Grands-Maîtres Lemu et Adiech s’agenouillent à leur tour devant la jolie bille et introduisent leurs mains dans la sphère et les retirent ensuite sans laisser la moindre plaie sur la patiente. Le sourire qu’ils font au petit protecteur le rassure car ils viennent de déposer une énergie positive dans sa planète. Cela signifie que si quelqu’un s’avise encore à toucher la boule magique sans le consentement de Primus Tasal, connaîtra le même sort que ceux qui tentèrent jadis de toucher les glaçons magiques des Grands-Prêtres.

Mercéür doit tout de même retourner dans la forêt enchantée avec Primus Tasal et le Maître du destin pour un certain temps afin de se préparer à accomplir sa mission. Midinibus en profite pour demander à Manuel s’il peut également se rendre sur cette planète avant le retour des fautifs sur Arkara. Selon le conteur, il est important de s’instruire sur ceux qui posséderont à leur retour une expérience de vie très différente de celle des autres Arkariens. Comme historien de la Vérité, il déclare qu’il serait sage de comprendre le nouveau développement de leurs mœurs et coutumes avant leur retour. De toutes manières, il avoue que ses parents ont tenté comme plusieurs autres Paysans d’ailleurs, d’obtenir des serviteurs animés à l’époque. Le Grand-Prêtre Lemu avait raison en prétendant que tous les « pseudo-loyalistes » le devinrent uniquement à cause de la pénurie de bibelots en cristal. D’ailleurs, ce n’est pas par punition qu’ils ont dû quitter leur planète mère mais parce qu’ils ont perdu leur fleur de cristal leur permettant d’y revenir sans devoir s’incarner sur Terre ou aboutir en Atlantide. Donc, prétendre qu’il se sent aussi coupable que les autres fautifs même s’il n’a jamais perdu sa fleur de cristal n’a aucune importance en fait, mais le Maître du destin place alors sa main sur son épaule en le remerciant de bien vouloir vivre sur Terre et ainsi apprendre à connaître ce qui se trouve au fond du cœur des habitants de cette planète. En même temps, il pourra rendre service au pauvre ami d’Anak qui se sent torturé à l’idée de ne pouvoir tenir sa promesse car le missionnaire ne sera pas de retour avant longtemps et peut-être même trop tard pour retrouver son ami Gad en vie. Comme un géant ne ment jamais, celui-ci réclame depuis un bon moment d’aller rejoindre Anak à tout prix sur Terre. Manuel consent à le laisser partir pour un certain temps seulement puisqu’il prévoit pour lui une noble mission sur Arkara à son retour. Alors, il donne à Midinibus la façon de procéder pour réaliser le rêve de ce Connient ainsi que le sien afin d’aller sur Terre. Il faudra toutefois qu’il naisse sur cette planète s’il veut vraiment parvenir à se sentir dans la peau d’un Terrien. Midinibus sera donc le premier conteur du pays à vivre sur Terre à une époque qu’il ignore lui-même car il laisse le soin à Manuel de la choisir. Il quitte la forêt enchantée sur le dos de sa grosse tortue après avoir salué ses amis qu’il ne reverra pas de sitôt, mais Verda s’arrête bientôt et refuse d’aller plus loin en faisant la dédaigneuse remarque qu’elle vient de souiller ses pattes d’une substance laissée par un animal. Il est vrai que les animaux de la nature font leurs besoins naturels un peu partout dans celle-ci qu’on le veuille ou non. Alors trois gros vers ayant trois yeux énormes se rapprochent lentement en se faufilant entre les rochers. Ils sont vraiment laids, ne sentent pas bon et leur vocation laisse également supposer qu’ils exercent un travail très ingrat. Ils viennent nettoyer les pattes de la tortue pendant que le conteur les examine d’un air ému. Il réalise que ces « choses » existent depuis toujours sur Arkara sans que personne en parle dans l’histoire et il se promet de le faire un jour. L’un des vers lui demande s’il pourrait convaincre les autres conteurs de ne pas les ignorer lorsqu’ils remarquent leur présence. Il n’exige pas de se faire aimer mais simplement être salué avec respect puisqu’ils existent comme tous les autres animaux de la planète. Midinibus lui promet de ne plus jamais ignorer sa présence et celle de ses semblables, et surtout de les saluer à chaque rencontre pour être certain qu’ils ont remarqué sa présence. Les gros vers s’éloignent lentement en se mouvant d’un air satisfait.

Lorsque Midinibus traverse le village des Connients, il est abordé par le fier géant Gad qui travaille à présent comme teinturier. Il veut évidemment avoir des nouvelles des survivants et surtout d’Anak. Le conteur lui sourit et lui demande alors malicieusement pourquoi ne pas s’en informer lui-même? Avec un soupir, le géant lui répond candidement qu’il ne possède toujours pas d’ailes pouvant lui permettre de voyager aussi loin bien qu’il y pense constamment. Midinibus rit de bon cœur avant de l’informer que le Maître du destin est disposé à le laisser partir pendant un certain temps à la condition de s’engager formellement à conserver son identité secrète pendant toute sa visite sur Terre. Il ajoute que son ami qui vit à présent dans une grotte est désormais très vieux et a besoin de son aide pour terminer sa mission sur Terre. Cependant, Gad doit comprendre qu’il y apparaîtra dans un temps futur, et que Manuel lui accorde cette permission spéciale dans le but de lui faire retrouver son ami et tenir ainsi sa promesse envers lui et par la même occasion, l’aider en empruntant l’identité d’un pauvre Atlante qu’on appelle Samia. En effet, celui-ci est tellement confus depuis son enfance qu’il est jugé incapable de différencier le rêve de la réalité mais c’est tout de même lui que les citadins ont choisi pour aider physiquement Anak dans sa grande vieillesse car, devenu aveugle, il se déplace avec grande difficulté. Il faut dire que les temps ont bien changé depuis que Kana est parti à la recherche des anciens fautifs à travers le monde. Anak a souvent tenté d’interdire aux scientifiques de créer un rayon d’une telle puissance, qu’il est capable de détruire la matière bien que ceux-ci ne soient nullement menacés. Il faut avouer que la secte d’Alba n’est pas étrangère à cet esprit de grandeur des citadins. Ne pouvant résonner les scientifiques, Anak préféra abandonner son titre de Superviseur et se retira dans une grotte. Il précise que Gad ne doit jamais oublier qu’il part en mission secrète dans un monde gouverné par le Maître Chronos et que celui-ci n’apprécierait sûrement pas d’apprendre qu’un Connient vit sur Terre sans son autorisation. C’est pour cela que le conteur demande au géant de ne jamais révéler sa véritable identité et surtout pas à Anak! Nul ne doit savoir que le Maître du destin s’est permis de déjouer la vigilance de Chronos au risque de le mettre en colère et de voir celui-ci interdire à Kana de poursuivre sa mission sur Terre. Gad lui promet qu’il saura garder le secret bien que l’idée qu’Anak puisse s’imaginer être abandonné par son ami dans un moment de grande fragilité lui est insupportable, puisqu’une promesse est sacrée pour un Connient! Cependant, les confidences du conteur lui indiquent qu’il se doit d’aller sur Terre dès maintenant, peu importe les conditions car il ne pourra jamais vivre en paix avec sa conscience s’il refusait un tel défi pour un géant : mentir à son meilleur ami qui a tant besoin de sa fidélité maintenant ; quel conflit pour Gad ! Midinibus lui sourit en opinant de la tête ; le géant aura tenu sa promesse sauf que son ami le prendra pour Samia.

Sans attendre, Midinibus conduit le géant dans la forêt enchantée et lui montre l’arbre Salutor. Il pointe alors son doigt vers une feuille et demande ensuite à Gad de coller sa gomme à bulle sur celle-ci en précisant que cette substance pâteuse empêchera temporairement l’esprit de Samia de découvrir qu’il vient de se faire remplacer par Gad. Le géant est troublé; il demande au conteur si le fait de posséder l’esprit de Samia ne risque pas de nuire à l’évolution de celui-ci? Midinibus le rassure en lui disant que c’est tout à son honneur de se préoccuper de lui mais, voilà : l’objectif n’est pas de posséder le corps d’un autre pour l’obliger à faire le mal mais plutôt permettre à un simple d’esprit d’accomplir une noble mission malgré ses faibles capacités intellectuelles. Par contre, ce qu’il ne dévoile pas, c’est qu’une gomme à bulle collée sur une feuille-entité risque de lui laisser quelques petites séquelles assez désagréables au point d’éprouver une aversion naturelle pour tout ce qui sent la mélasse au moment où elle devra s’incarner dans un autre corps. Le conteur précise ironiquement qu’il ne voudrait pas spéculer sur cette éventualité qu’aura peut-être l’Entité à vouloir se « coller naturellement » aux êtres comme une gomme! Il rit de bon cœur avant de clarifier à Gad que son propre corps l’attendra devant l’arbre Salutor jusqu’à son retour. Le géant retire sa gomme, la colle sur la feuille et aussitôt son corps tombe mollement sur le sol en produisant des petits ronflements; en effet, il dort profondément et c’est alors au tour du conteur de quitter Arkara. Il embrasse affectueusement sa tortue sur le front et lui explique qu’il ignore combien de temps durera son absence. Verda lui répond qu’elle va l’attendre sagement et se reposera en l’attendant. Sur ce, elle rentre sa tête dans sa carapace et reste immobile. Midinibus l’observe un instant et se retourne lentement en clamant à haute voix haute qu’il est prêt à partir. Alors, son corps tombe en poussière et sa tunique voltige un instant comme une feuille morte, et retombe en douceur recouvrir pudiquement sa dépouille. Le conteur naîtra au milieu du XXième siècle.

Gad s’éveille dans le corps de Samia et semble perdu dans cette grande cité atlante qui porte à présent le nom de Mu. La modification du nom de la Cité démontre très bien que les jeunes générations semblent très peu se soucier de se souvenir du nom de Lemu. En fait, connaissent-ils la réputation de ce grand personnage qui a guidé son peuple jadis? Mais n’en est-il pas toujours ainsi pour l’ensemble des jeunes générations qui ne croient souvent qu’en la valeur de ce qu’ils pourront créer ou modifier. Cette attitude semble innée dans l’évolution humaine où le changement perpétuel est à la carte, et modifie constamment le passé au point d’en transformer complètement son essence autant dans ses valeurs que dans ses habitudes de vie. L’essentiel pour chaque peuple vient peut-être de la perception qu’il a de ce qui devrait être important et ainsi de suite. Mais ce changement de valeurs de société aidera tout de même Gad à accomplir sa mission car toutes ces nouveautés auront pour effet de le désorienter quelque peu, ce qui lui donnera un air d’égarement qui ressemble étrangement à son personnage qui vit plus ou moins dans la réalité. Ainsi, lorsque le géant essaie de s’orienter en demandant à un passant où se trouve la caverne d’Anak, celui-ci lui pardonne sa petitesse d’esprit en s’imaginant s’adresser à Samia. Il lui laisse entendre qu’il est tout à fait normal pour lui d’oublier tout ce qu’on lui dit, et lui rappelle donc en parlant très lentement que la caverne de l’ermite se trouve à cinq lieues de Mu ; donc, il ne pourra se tromper s’il emprunte le sentier nord. Heureusement que cet homme a parlé lentement car Gad a malgré tout, éprouvé de la difficulté à comprendre la langue de son interlocuteur qui déforme plusieurs mots arkariens. Il s’agit évidemment d’un dialecte qui risque avec le temps de faire oublier aux jeunes générations la langue du pays. Il faut dire que ce jeune passant est né en Atlantide et donc qu’il ne peut savoir s’il parle ou non le vrai arkarien car les premiers immigrants sont presque tous disparus. Comme Anak vit dans une caverne en glaise rouge, il est surnommé Anakilimon par les Atlantes. Ce nom signifie simplement « Anak et limon. » Son ami se retrouve bientôt devant la caverne et hésite un moment avant d’y pénétrer. Le pauvre Gad est si ému qu’il craint de se trahir s’il n’apprend pas à mieux contrôler ses émotions avant de rencontrer le vieillard. Mais peu importe son apparence, le Connient saura le reconnaître en lisant dans son cœur. En fait, il tient si peu compte de l’aspect extérieur des choses qu’il n’a même pas encore songé à se regarder dans un miroir pour examiner ses nouveaux traits. En s’avançant un peu, Gad voit bientôt l’ermite assis dans un coin de la grotte. Aussitôt, le vieil homme redresse lentement la tête et lui demande s’il est bien Samia, le brave compagnon qu’on veut bien autoriser à l’aider justement à cause de ses vieux os qui se brisent de partout? Gad vient s’agenouiller devant lui et lui répond timidement « qu’il est celui qu’il attendait. » Anak lui touche le visage et lui demande pourquoi ses yeux sont mouillés? L’autre se doit de mentir en prétendant que c’est la première fois que quelqu’un s’adresse à lui avec respect. Anak opine de la tête en lui souriant tristement. Il est très difficile pour le Connient d’avoir à mentir et l’impression de trahir ceux de sa race est si forte qu’elle l’étouffe, tel un étau lui serrant le cœur. Mais il sait qu’il continuera à jouer son rôle puisqu’il en comprend les motifs et ce, encore davantage depuis qu’il a retrouvé son ami dans un état aussi précaire! Il est prêt à tout supporter pour avoir le droit d’être auprès de lui. Anak ou encore Anakilimon est prompt de nature. Alors, il passe son temps à s’excuser dès qu’il s’aperçoit qu’il manque de patience envers celui qu’il considère déjà comme son élève. Il se dit sans doute qu’il perd son temps à essayer de lui enseigner bien des choses sauf que son ami fait semblant d’agir comme un simple d’esprit bien qu’il comprend parfaitement tout ce qu’il lui dit. L’important est de laisser croire à Anak qu’il s’adresse réellement à Samia. Pourtant, ce dernier s’est aperçu depuis un moment que Samia semble être un peu moins confus dès qu’il lui parle d’Arkara comme s’il ressent ce dernier le fixer avec intensité ; du moins, c’est l’impression qu’il perçoit malgré sa cécité. Peut-être est-ce même le résultat d’une mémoire ancienne d’Arkara que l’incarnation terrestre de cette pauvre âme n’a pas totalement effacée : cela expliquerait ses problèmes actuels à être présent à la réalité… c’est à voir !

Le temps passe et Anak aime raconter à son élève ses souvenirs d’enfance et lui parle souvent de sa grande amitié envers un Connient qui s’appelait Gad. Il parle de lui avec tant d’émotions et respect que le faux Samia doit parfois se boucher les oreilles pour ne plus l’entendre. Il doit surtout se retenir pour ne pas commettre cette bêtise de le serrer dans ses bras comme autrefois. Gad apprend avec le temps que Kana a quitté la Cité depuis déjà une trentaine d’années. Adamas, Gracia et le Grand-Prêtre Adep sont décédés à tour de rôle, de même que Rosia, l’ancienne épouse de Mercéür. Par contre, son fils Atlantin est devenu le meilleur architecte de Mu. Le Connient découvre également que le seigneur Alba vit seul dans un vignoble situé à une dizaine de lieues de la Cité. Il est devenu tellement vieux et sénile que les Atlantes ont décidé de le laisser finir ses jours dans son petit royaume de raisins sauvages où le vieillard y fabrique toujours du vin en petites quantités. Alba présente tous les symptômes d’un malade étant sur le point de mourir, mais personne ne comprend comment ce solitaire parvient encore à trouver la force d’entretenir seul son petit vignoble. Lorsque le sage Anak va mourir, Alba pourra prétendre être le seul véritable Arkarien d’origine. Cette vipère est vraiment convaincue que Kana finira par disparaître comme tous les autres et clame à droite et à gauche qu’il doit sûrement avoir quitté ce monde pour n’avoir jamais daigné donner signe de vie depuis son départ. Alba se promet de raconter l’histoire d’Arkara à sa manière lorsque les Atlantes en arriveront à admirer sa longévité. Il va même se servir de celle-ci pour demander méchamment à ses admirateurs pourquoi ceux qui le méprisaient tant sont déjà tous morts et pas lui? Ce monstre est un menteur sauf que plus le temps passe, moins de personnes peuvent pour ainsi dire le confronter dans ses mensonges. D’ailleurs, la secte prend non seulement beaucoup d’expansion, mais ses dévots sont eux-mêmes convaincus qu’en s’associant avec Alba, leur espérance de vie sera aussi longue que celle de leur Maître. Cet espoir fait en sorte qu’ils n’osent jamais déplaire à leur chef, même s’ils doivent pour cela le suivre aveuglément dans sa folie meurtrière. D’ailleurs, il oblige déjà tous ses fidèles à s’enivrer et à lui faire des enfants qui seront endoctrinés par la suite, de façon à n’avoir en tête que le but de conquérir le monde.

Un matin, Anak décide qu’il est temps pour lui de montrer son gros coffre sur roues à son élève. Il lui explique qu’il l’avait fabriqué dans l’intention de l’offrir à la communauté atlante un jour. Celle-ci aurait pu constater avec joie que le miroir magique situé au fond du meuble était en fait, une porte sur l’intemporel. Il ajoute que celui-ci lui fut confié par les Maîtres de l’invisible en espérant que les Atlantes deviendront un jour assez sages pour retourner sur leur planète gouvernée par le Souverain d’Amour. Le miroir est semblable au couloir intemporel utilisé par Primus Tasal pour voyager partout à travers les époques terrestres et évidemment pour se rendre aussi sur Arkara. Il possède également ce pouvoir extraordinaire de permettre à son utilisateur d’apercevoir sa véritable nature lorsqu’il se regarde dans le miroir de vérité ; car c’est le nom de ce fabuleux trésor d’Anakilimon. Malheureusement à présent, le sage trouve imprudent de confier un tel pouvoir à la communauté atlante depuis que celle-ci semble s’intéresser davantage à la gloire que lui confèrent les découvertes scientifiques qu’à la vérité. Il précise que ceux-ci sont même devenus très dangereux avec leur intention d’utiliser un canon à désintégration capable de détruire toute forme de vie sur la presqu’île. Ils jouent à manipuler des sources d’énergie vraiment monstrueuses, en plus de prendre plaisir à creuser d’immenses galeries souterraines qui leur permettent de circuler un peu partout « sous » ce continent sans se soucier des indigènes et des pêcheurs qui vivaient tout de même ici bien avant eux. Anakilimon juge même imprudent de laisser son trésor dans la grotte, craignant de voir Alba et sa secte maudite se servir de ce miroir de vérité s’ils apprennent son existence et découvrir certaines vérités qui les accommoderont au besoin. La mission de Samia sera justement de transporter le coffre sur roues le plus loin possible de la Cité. Le fier élève comprend à présent en quoi le Maître du destin voulait lui offrir l’occasion d’aider son ami Anak. Un Connient capable de tirer de lourdes charges comme des pierres cactus est doublement efficace pour faire sortir un coffre de l’Atlantide. Il saisit la grosse corde du coffre et promit formellement à Anakilimon d’aller le plus loin possible en marchant droit devant lui aussi longtemps qu’il lui sera possible de le faire. Le faux Samia emporte non seulement le trésor loin de la presqu’île mais parcourt des milliers de kilomètres par la suite. Le voyageur solitaire est si fatigué qu’il finit par s’écrouler un soir sur le sol et ne se relèvera plus ; il a rempli sa mission jusqu’au bout et meurt sans même lâcher la corde du coffre. Il se réveille alors devant l’arbre Salutor et sourit en constatant que dans sa main se trouve la preuve qu’il a véritablement vécu sur Terre. Il dissimule précieusement le cordon dans son vêtement avant de sortir de la forêt enchantée et retourne chez lui en conservant jalousement son secret. Il aimerait tout de même savoir où vit à présent Midinibus et sourit en se demandant à voix basse si le conteur s’est rendu sur Terre complètement nu puisque sa tunique est demeurée sur le sol?

Une rencontre exceptionnelle se tient dans la Tour royale où s’y réunissent autour de la table en émeraudes : Manuel, Maître du destin, le Cœur royal, Phardate, Primus Tasal, la fée Marianne, Mercéür, les Grands-Maîtres Adiech, Lemu et Adep, ainsi que Chronos, Maître du temps. Ce dernier est d’ailleurs très honoré d’avoir été invité à cette réunion vraiment secrète où il sera question du sort de l’Humanité. Évidemment, le point crucial tourne autour des ravages commis par la secte d’Alba et destinés à conduire les Terriens à leur perte. C’est pour cela que Chronos considère qu’il est aussi dans son intérêt de collaborer afin de mettre un terme définitif à la folie du sinistre divisionnaire. Primus Tasal vient présenter un plan élaboré qui devrait normalement rendre Alba éternellement inoffensif sur Terre et même partout dans l’univers. Mais pour cela, il faudra du temps et même énormément de temps, précise-t-il en secouant tristement la tête. La seule chose qui pourrait encore intéresser le divisionnaire est sans contredis cette lueur d’espérance de se rajeunir un jour grâce au sang de son ancien donneur. Il y songera sûrement s’il apprend que Mercéür est désormais sur Terre en se prenant pour un missionnaire de l’intemporel. Toutefois, il est beaucoup trop méfiant pour ignorer que le Maître du destin de même que ceux de l’invisible veilleront sur lui pour l’empêcher de devenir justement une source de jouvence malgré lui. Donc, Alba cherchera d’abord à évaluer ses chances de réussites s’il désire obtenir ce qu’il veut, et c’est là qu’il faudra lui laisser croire que Mercéür est encore aussi naïf qu’autrefois même s’il vit dans un nouveau corps. Il supposera que le missionnaire demeure ce pauvre sot naturel isolé qui aime toujours autant le bon vin et qui semble même éprouver une étrange fascination pour l’or depuis qu’il vit sur Terre. Puis, pourquoi ne pas y ajouter une attirance prononcée face au romantisme qui donnera l’impression que ce dernier est incapable d’ignorer les charmes des jolies Terriennes?

Le singe propose comme plan que Mercéür démontre premièrement à Alba qu’il n’a toujours pas retrouvé la mémoire, et deuxièmement, qu’il est encore plus naïf qu’autrefois au point d’être reconnu sur Terre pour être un genre de personnage assez loufoque, facile à duper à un point tel que tout à chacun s’amuse à se moquer de lui à l’occasion; une telle réputation attirera inévitablement l’attention d’Alba. Un autre facteur peut aider la situation si l’on tient compte de son orgueil dominant qui lui embrouillera l’esprit en temps voulu. En fait, n’est-il pas celui qui passe sa triste existence à défier les Grands de ce monde en s’amusant à détruire ce qu’ils tentent de maintenir avec tant d’amour? Puis, sa jalousie obsessive envers un Mercéür déchu, certes, mais pris en compassion par les autres Olympus lui interdira d’éprouver le moindre scrupule à profiter d’un être qu’il considère comme son serviteur sans plus. Tout ça ne peut que le titiller d’envie de retrouver sur sa route celui qui lui procurera l’opportunité d’obtenir la jeunesse éternelle! Déjà, l’orgueil de ce forcené sadique finira par avoir raison de lui; il suffira de peu pour l’activer davantage!

Primus Tasal mentionne l’épisode de la statue qu’il a un jour placé devant la porte de l’ancien seigneur fruitier ce qui provoqua tellement sa colère qu’il tenta de le faire assassiner à plusieurs reprises. Donc, il ne sera pas nécessaire d’envoyer Mercéür se jeter dans la gueule du monstre pour inciter Alba à s’intéresser à son ancien donneur. On n’aura qu’à laisser filtrer quelques rumeurs sur l’existence de Mercéür sur Terre, et ses nombreux espions se chargeront de lui rapporter les éternelles pitreries et aventures farfelues de l’ancien vigneron. Ainsi, ils lui prouveront que ce Mercéür est vraiment cet imbécile naturel, cet insensé, cette cervelle sans grande intelligence et surtout ce pitre s’ayant accordé lui-même ce ridicule titre de missionnaire. Même sa présence sur Terre passera pour accidentelle et probablement due au fait que ce dernier a toujours aimé voyager dans l’intemporel. Un soûlard, un obsédé de l’or, un pauvre rêveur…voilà de quoi rendre notre personnage très attirant pour le divisionnaire, tel un tout petit ver qui saura toutefois le faire mordre un jour à l’hameçon malgré sa prudence. Alba connaît très bien les dons particuliers de son ancien donneur et se dira que si ce sot possède un quelconque pouvoir, rien n’a prouvé sur Arkara, qu’il pouvait faire plus que rapporter des objets de ses voyages astraux. Vraiment, Mercéür remercie son ami Primus Tasal pour tous ces jolis compliments et lui suggère même de ne pas oublier sur sa liste : un immortel vraiment stupide et une grosse cruche vide. Manuel et les autres rient tous de bon cœur de voir avec quelle légèreté le futur missionnaire prend sa réputation au sérieux mais nous devons admettre que sa solitude d’antan l’a vraiment préparé au rejet, alors il s’en moque ; son vrai but est d’une toute autre importance!

Primus Tasal connaît bien la mentalité des dictateurs et Alba n’échappe pas à la règle. Un être aussi monstrueux préfère croire que le Maître du destin est prudent en maintenant son jeune frère amnésique et ce, peu importe la raison. Il va lui-même oser se comparer à un Olympus, et en conclura que le pouvoir est un plat qui se mange seul si on possède un assez gros appétit. Le divisionnaire ne peut penser autrement qu’en fonction de ce qu’il ferait lui-même pour protéger ses intérêts. Le singe est convaincu que ce malin connaît également la raison pour laquelle Perlin perdit la mémoire lorsque Baa-Bouk lui révéla l’identité de celui-ci. D’ailleurs, c’est la bête qui lui a expliqué comment parvenir à se rendre immortel grâce au sang de ce jeune Olympus. En somme, ce plan est destiné à piéger Alba au moment crucial où celui-ci sera convaincu de pouvoir obtenir facilement le sang de Mercéür. Mais pour cela, il faudra laisser croire au divisionnaire que les Maîtres de l’invisible ont délaissé cet immortel étant donnée son amnésie qui empêche celui-ci de retrouver ses pouvoirs comme Olympus. Donc, en ce sens, les interventions des Maîtres dans le futur devront apparaître aux yeux de tous comme étant provoquées par de la malchance ou le simple fruit du hasard. Alba ne doit surtout pas soupçonner que ceux-ci suivent Mercéür à la trace. Ensuite, il restera à trouver une façon de lui faire boire un poison qui le transformera en une vipère véritable mais Primus Tasal refuse toutefois d’en dire plus long pour le moment.

Mercéür est disposé à jouer son rôle de missionnaire ridicule à la condition de perdre véritablement la mémoire lorsqu’il vivra sur Terre. C’est bien joli de faire semblant de prouver à Alba qu’il est amnésique sauf que ses dévots vont épier ses faits et gestes même lorsqu’il s’y attendra le moins. Manuel est de son avis et demande aux Grands-Maîtres de l’invisible s’ils peuvent guider le futur missionnaire même s’il n’a aucune conscience de sa véritable identité? Lemu lui répond qu’il peut le faire à son insu sauf que Mercéür ne devra jamais connaître le contenu de ses missions, ni le moment où celles-ci arriveront afin de mieux le protéger; en fait, plus il sera confus dans sa perception de lui-même, plus il lui sera possible de bien jouer son personnage. On lui fera retrouver quelques souvenirs antérieurs lorsque cela sera vraiment nécessaire, sans plus. Il prévient également Mercéür qu’il devra oublier temporairement ses moments d’extases lorsqu’il pratique des voyages astraux. Par contre, il pourra prendre un moment de repos entre chaque mission lorsqu’il devra quitter une époque en empruntant le couloir intemporel de Primus Tasal qu’il retrouvera au besoin.

Chronos lui demande à son tour d’oublier l’idée de vivre sur Terre au-delà du délai qu’il lui accorde dans chaque époque où il aura à habiter au cours de ses aventures. Ainsi, il avait calculé que cinquante ans était raisonnable sauf qu’après discussion, le Maître du destin s’est « presque » agenouillé à ses pieds pour le supplier d’être un peu moins sévère. D’accord, il lui laissera exactement quatre-vingt-quatre ans à chaque fois et pas une minute de plus! S’il pense s’échapper à son chronomètre temporel, ce dernier se fera un honneur de le lui rappeler à l’occasion qu’il soit prêt ou non à partir! Alors, il disparaîtra dans le couloir en laissant tout derrière lui. Puis, s’il veut savoir pourquoi son temps accordé est précisément celui-là plutôt que quatre-vingt-dix ans par exemple, c’est uniquement pour lui faire comprendre que le Souverain temporel a autant le droit d’avoir ses petits caprices que les Olympus. Manuel ne dit rien même si Chronos prétend qu’il s’est presque jeté à ses pieds. Il ne veut pas le mettre en colère puisqu’il a une autre faveur à lui demander. Après cette rencontre secrète, il invite donc le Maître du temps à venir le rencontrer dans la forêt enchantée.

Chronos se croyait immunisé contre les excentricités des Olympus sauf que cette fois-ci Manuel parvient à le surprendre royalement lorsqu’il lui demande la permission de donner un nouveau corps à Mercéür avant que celui-ci s’incarne sur Terre comme missionnaire. En somme, il voudrait que Mercéür puisse devenir son propre père bien que cela semble défier toutes les lois de la logique. Le Maître du temps réagit car il déteste se trouver dans une telle position où sa réputation risque d’en prendre un coup s’il déroge de son mandat initial. Selon lui, un être temporel ne peut dévier du cours normal de l’évolution. Manuel réplique qu’il sait très bien tout cela mais lui explique que son frère ne pourrait naître dans le temps à cause de sa nature originelle. Il doit donc obligatoirement la préserver en naissant sur Terre par Marianne. Il avoue qu’il sera assez difficile pour elle d’enfanter si Mercéür ne lui fait pas lui-même un enfant qui sera issu de la même source. Donc, la logique exige qu’il possède déjà un corps pour cela. Toutes ces théories abrutissent Chronos car on ne peut techniquement devenir son propre père sur Terre mais il en va autrement à Féerie où justement tout est possible. Manuel précise que c’est donc là-bas qu’il devra se rendre dès qu’il aura de nouveau perdu la mémoire. Ainsi, il croira rencontrer Marianne pour la première fois de sa vie, en tombera follement amoureux, lui fera un enfant et celle-ci n’aura plus qu’à se rendre sur Terre pour le mettre au monde. C’est complètement insensé mais pourtant aucun autre choix semble possible. Chronos prend un temps de réflexion et demande ensuite au spécialiste de l’impossible s’il peut également lui faire recommencer son règne lorsqu’il atteindra la fin de celui-ci? Manuel répond que la fin des temps n’est que la fin d’un temps. L’éternité est pleine de « petits Chronos » qui se succéderont indéfiniment. Donc, il est possible de lui faire recommencer un autre mandat ou cycle temporel même si logiquement il doit disparaître un jour. Cette façon d’aborder la question fait en sorte que le Maître temporel considère tout le potentiel d’une alliance et se montre finalement fort ouvert à la discussion. Il sait à présent que Manuel possède ce pouvoir de lui offrir un autre royaume s’il lui prouve son amitié.

Manuel n’est pas un exploiteur et comprend parfaitement que sa demande oblige son interlocuteur à fermer les yeux sur ce corps physique qu’il désire créer en se servant justement d’une matière temporelle empruntée à Chronos. Lorsque l’autre l’autorise à la prendre, le jeune Maître lui prouve son respect en lui demandant de choisir lui-même les traits physiques du futur missionnaire. Sans doute aurait-il mieux valu pour Manuel de ne rien proposer de tel à un être aussi peu cultivé aux aspects de l’esthétisme. Chronos lui déclare tout bonnement qu’il veut s’assurer premièrement que ce missionnaire ne pourra jamais se prétendre être aussi beau qu’Apollon : Alors il sera assez grand, maigre comme une échalote, un nez bien rond de gros buveur, des yeux bleu-ciel pour désigner qu’il a une origine qui ne vient pas de la planète Terre, de grandes oreilles pour démontrer qu’il sait écouter, une tête chauve… Il se ravise en disant qu’il préfère lui laisser un îlot de cheveux sans quoi certains pourraient le prendre pour un Grand-Prêtre du culte d’Ammon en Égypte. Puis, il aimerait bien qu’il porte une barbiche; cela lui donnera sans doute un air encore plus amusant. Manuel le trouve vraiment peu généreux de nature mais s’abstient de tout commentaire qui risquerait de provoquer la colère de ce dernier; peut-être est-ce sa façon après tout de se « venger » un peu de l’audace de son vis-à-vis avec une telle demande. Alors, malgré son grand sens de la beauté, Manuel dessine scrupuleusement dans son grand livre toute la description faite par le Maître du temps. Il fait ensuite apparaître un corps que Chronos examine d’un air satisfait. L’artiste n’est pas du tout convaincu que Mercéür sera du même avis que lui mais admet finalement que son apparence donnera vraiment l’illusion du personnage que tous voulaient faire croire… et même davantage. Cependant, il s’inquiète un peu de l’attirance qu’il provoquera chez les dames ; cela risque d’être intéressant à suivre en fin de compte!

Le moment du « choc de l’égo » est arrivé lorsque Mercéür découvre son futur corps assis sur une pierre près du gros livre magique. Son frère fait semblant de dessiner et dit sans se retourner que Chronos est l’auteur de cette œuvre si c’est cela qu’il veut savoir. Le spectre lumineux tourne lentement autour de ce genre de bonhomme au sourire amusant et dit sans hésiter qu’il serait parfait pour amuser les enfants avec un peu de maquillage sur les joues. Il réalise évidemment que cette enveloppe charnelle sera la sienne et remercie son frère de s’assurer de lui offrir un corps qu’il ne regrettera pas quitter lorsqu’il devra le faire entre ses missions. Manuel comprend sa frustration et préfère le laisser se défouler. Mercéür lui demande s’il doit vraiment s’introduire dans ce costume ridicule mais ne s’attend pas réellement à une réponse verbale de celui qui se contente de soupirer en opinant de la tête. Lorsque le futur missionnaire commence à s’introduire lentement dans le corps, le Maître du destin le prévient qu’il va perdre la mémoire dès qu’il fera entièrement corps avec celui-ci. Le seul souvenir qu’il aura est qu’il s’appelle à présent Fontaimé Denlar Paichel sauf qu’il aura comme préférence de se faire familièrement appeler Paichel. Il en profite également pour lui dire qu’il est fier d’être son frère. Le missionnaire lui sourit en plaçant ses deux mains sur sa poitrine, signe qu’il le gardera également lui aussi dans son cœur. Bientôt, le corps s’anime et son regard se porte autour de lui d’un air égaré. Le Maître du destin s’est caché pour examiner Primus Tasal se rapprocher joyeusement de Paichel en lui disant : « Bonjour à toi, qui que tu sois! » Il va sans dire que ce personnage est maintenant un étranger pour l’amnésique. Toutefois, la gentillesse du petit voyageur parvient à le rassurer au point d’accepter de le suivre. Paichel fait quelques pas et disparaît dans le couloir intemporel avec son guide qui doit s’assurer au préalable que ce dernier a vraiment perdu la mémoire avant de lui faire rencontrer la fée Marianne. C’est pour cela qu’il le conduit simplement dans la vallée de Vaurec pour un certain temps. Cette région arkarienne est vraiment belle sauf que le peuple hésite encore à la fréquenter à cause de sa mauvaise réputation ancestrale. La mémoire collective est encore marquée par cette image sombre de l’ancienne vallée noire bien qu’il s’agisse maintenant d’une époque heureusement révolue. Le singe veut surtout vérifier que Mercéür se sent confortable dans sa nouvelle peau puisque cela arrive parfois qu’une Entité cherche à sortir d’un corps lorsqu’elle s’y sent étrangère et si elle développe une certaine hostilité envers lui. Donc, le futur missionnaire se promènera tranquillement dans cette vaste vallée sans même deviner qu’il se trouve sur Arkara. Puis, il faut avouer qu’il n’est pas facile pour le singe de s’habituer au nouveau « look » de Mercéür. Il a connu celui-ci pendant sa prime jeunesse alors qu’il s’appelait Perlin, puis Mercéür et finalement Paichel et il doit se montrer prudent afin d’éviter de se tromper lorsqu’il s’adresse à lui. Il doit également lui inventer une petite histoire biographique pour répondre évidemment à cette question que Paichel lui adressera bientôt en lui disant : Qui suis-je? Primus lui annonça que son nom de famille est évidemment Paichel, et que Fontaimé est le nom d’un lointain ancêtre qui était un genre de clochard. Finalement, le pauvre Paichel apprend qu’il est encore orphelin de naissance. Il faut croire que son rôle d’orphelin lui est collé à la peau depuis qu’il vit sur Arkara. Il le sera également sur Terre puisque la fée Marianne va simplement le mettre au monde sur cette planète et l’enfant sera encore adopté. Donc son nom est celui que sa mère adoptive lui donnera un jour en suivant les recommandations de Marianne qu’elle connaît sûrement suffisamment bien pour accepter de lui confier son fils. Toutefois, ce sont des secrets que le missionnaire doit ignorer. Primus Tasal sait également que la logique veut que le Paichel qu’il voit devant lui disparaisse lorsque Marianne se rendra sur Terre pour le mettre au monde. Par contre, c’est la même Entité qui prendra place dans le corps de cet enfant ce qui fera en sorte de devenir son propre père. Qu’il soit son propre paternel ne l’empêchera pas pour autant d’oublier ce qu’il était avant de venir au monde au même titre que tous les autres Arkariens qui se sont incarnés sur Terre avant ou après lui.

Primus Tasal est satisfait puisque Paichel a vraiment perdu la mémoire. Il lui propose donc de voyager de nouveau dans son joli couloir lumineux et surtout de ne pas s’amuser à toucher les images qui défileront près de lui. Comme le missionnaire est vraiment curieux, il ne parvient pas à s’empêcher de toucher tout ce qu’il découvre; car bien sûr, l’interdit de son compagnon ne fait que l’intriguer encore plus. Le singe sourit lorsqu’il voit l’imprudent se faire projeter en dehors du couloir intemporel dès qu’il s’amuse justement à toucher une image. Le pauvre missionnaire se retrouve seul au pays des fées et croit fermement que son compagnon de voyage serait toujours à ses côtés s’il avait suivi ses recommandations. En réalité, Primus Tasal voulait justement que Paichel arrive seul à Féerie et poursuivit sa route. Il reviendra le chercher en temps et lieux en espérant simplement que le missionnaire parvienne à se débrouiller sans lui. En effet, il lui arriva quelques mésaventures avant de rencontrer la fée Marianne. Bien entendu, il en devient rapidement très amoureux surtout au moment où celle-ci lui manifeste autant d’intérêt. Puis, arrive le moment de s’unir ou plutôt, de se « fusionner » pour être plus précis. Il faut savoir que les Olympus ne sont pas nés de la chair et qu’ils ne font pas l’acte physique comme tel. Alors, ce qui se passa exactement fut que Paichel et Marianne s’embrassèrent passionnément en se tenant par les mains et la fée ressentit l’énergie de son amoureux partout dans son corps. Elle sait à présent qu’elle porte un enfant de lui. Comme il faut s’y attendre, le fiancé de Marianne ne tarde pas à s’en prendre à son rival. Bertal est un genre d’Alba à Féerie qui veut tout contrôler incluant les sentiments de celle qui ne l’a jamais aimé. Paichel parvient tout de même à s’en tirer assez bien dans cette aventure et réussit même à libérer d’un mauvais sort des mythes délaissés par les Terriens que la mauvaise reine avait transformés en simples termites. Le missionnaire peut à présent quitter le pays des fées car sa mission est terminée. Il abandonne alors son corps dès que Marianne est enceinte de lui. (L’aventure est racontée dans : Paichel et les Termites de Voirpou)

Mercéür vit à présent sur Terre au Moyen âge. Il fallait bien le faire naître quelque part dans l’histoire terrestre et Primus Tasal a suggéré à Manuel de choisir cette époque qu’il considère idéale pour y accomplir sa première mission ridicule et d’une façon tellement fulgurante pour le commun des mortels, qu’il ne tardera sûrement pas à acquérir cette belle réputation d’insensé. En effet, le missionnaire va tout bonnement tenter de défendre les rats de France contre les exterminateurs qui essaient de contrôler l’épidémie de la peste. Une telle audace de la part de Paichel va apporter la preuve aux espions du mal qu’il est devenu un réel imbécile naturel incapable de vivre dans le monde des humains pour la secte d’Alba qui s’est déjà fortement enracinée un peu partout dans le monde depuis cette lointaine époque de l’Atlantide. Le divisionnaire se terre, caché à la face du monde. Il peut se le permettre maintenant qu’il possède tellement de dévots affamés de pouvoir que ceux-ci se sont infiltrés dans tous les milieux politiques, économiques et même religieux afin de mieux parvenir à exploiter les gens. Paichel réalise très vite que l’Inquisition est une monstruosité qui n’a aucun lien logique avec la religion. Le costume ne fait pas le moine mais permet, au nom de la foi, l’exploitation abusive des masses par les puissants qui s’amusent également à maintenir un règne de terreur grâce à tout un système de superstitions. Alba aime semer la zizanie et s’arrange pour que les guerres se déclenchent un peu partout sous toutes les formes de prétextes possibles. Paichel ne tarde pas à être identifié par la secte maudite lorsqu’il est clair qu’il possède ce don de communiquer avec les animaux. Déjà enfant, combien de fois a-t-il été ridiculisé publiquement et même outrageusement méprisé le jour où il osa soigner un rat que des passants venaient juste de piétiner. À leurs yeux, cette bête risquait de transporter la peste et seul un jeune insensé fort inconscient pouvait prendre une telle rapace en compassion. Le plan de Primus Tasal est dès lors amorcé et va sûrement fonctionner sauf que la vie de Paichel sur Terre va être toujours bouleversée par des contretemps et ne sera jamais paisible dans ses missions tout comme sur Arkara en fait; seuls les lieux et certains personnages ont changé. (L’aventure est racontée dans :Paichel et Rat-Mage)

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